23 juin 2025
23 juin 2025

Espérer : ce qui reste à l’homme quand tout semble perdu

Dans ce deuxième article de notre série sur l’année de l’Espérance, le père Yannick-Dominique Nzanzu, SCJ, de la Province du Congo, nous propose une réflexion sur l’espérance dans un contexte de fragilité humaine.

par  Yannick-Dominique Nzanzu Mariro, SCJ

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C’est une chose triste de se réveiller chaque jour avec le sentiment que sa propre vie ressemble à un interminable surplace. Mais c’est un poids encore plus amer d’ouvrir les yeux et de voir que chaque nouvelle, qu’elle vienne du monde ou de son propre entourage, semble nous ramener en arrière, replongeant l’histoire et ses symboles dans leurs heures les plus sombres. Comme le disait Albert Camus, on a l’impression que chaque fois que l’on pousse en avant, quelque chose de plus fort nous repousse en arrière. Exactement un peu comme Sisyphe, ce personnage mythique grec, condamné à rouler un rocher vers le haut d’une montagne qui ne voit ses efforts qu’échouer. Une peine perdue, c’est tout ce qu’il comprend de la vie. Et il faut dire que le contexte actuel fait ressentir ceci au bon nombre d’hommes et femmes de notre temps. Ils ne savaient à quel saint se vouer tant le spectre du vide plane sur leurs rêves. Cette année du Jubilée que le Pape François, d’heureuse mémoire, a voulue une année de l’espérance est une occasion de découvrir ce que cette dernière est capable d’opérer dans la vie de l’homme ; surtout de ces gens à qui la vie impose un poids à supporter. On se demanderait justement, ce qui fait tenir de nombreux hommes et femmes aux prises d’avec les souffrances parfois insupportables ; qu’est-ce qui les pousse à avoir un petit sourire derrière des visages apparemment défaits ? Après des histoires de guerre, de tensions ethniques et même de génocide, qu’est-ce qui fait que les gens puissent continuer à vivre ensemble ? C’est ici que nous découvrons l’espérance et toute sa force. Cet article voudrait justement en parler succinctement. 

Au cœur du drame de l’existence   

 L’existence humaine est parfois sans cesse hantée par des situations complexes d’absurdité. Au regard de la condition humaine marquée par la finitude, la perte et l’incompréhension, le Philosophe Allemand Arthur Schopenhauer en est arrivé à déduire que « la vie n’est que souffrance » (cfr. Le monde comme volonté et comme représentation). Sans peut-être pas insinuer la même réalité, le livre de Job, dans la Tradition biblique montre clairement que la souffrance peut frapper n’importe quand n’importe qui, même le juste et ce, sans cause apparente. Et face à une telle souffrance « imméritée », l’homme nourrit naturellement une révolte légitime. Job n’a pas en effet accepté passivement sa situation : il a pleuré, crié et, par moments, protesté. De fait, au fur et en mesure que la souffrance persiste et que nous avons l’impression que la situation qui jusque-là était mal s’empire, l’homme embrasse la zone du désespoir ; il entre dans le lieu du doute et des lamentations. Job en est arrivé d’ailleurs à lâcher ceci : « Maudit soit le jour où je suis né, et nuit qui dit : un enfant mal est conçu ! » (Jb 3, 3). Il était à bout de ses forces ; il ne comprenait rien des raisons de sa souffrance et ainsi il exprima son angoisse. 

Le contexte actuel met bon nombre de nos contemporains dans la situation à se questionner sur la présence de Dieu et son action en ce monde. Il y a quelques années c’était la pandémie du Coronavirus qui a secoué et changé nos habitudes et jusqu’à ce qu’aujourd’hui nombreux n’arrivent pas à s’en sortir ; des foyers de violence et de guerre surgissent par-ci par-là et on assiste ainsi impuissamment à la destruction lente du monde ; la famine dans les pays sous-développés décime des populations ; les jeunes sans emploi périssent dans la Méditerranée tentant désespérément de rejoindre l’Eldorado ; la terre elle-même crie à cause de l’action démesurée de l’homme laissant s’abattre des catastrophes climatiques. Bref, le monde est en détresse et les esprits avertis s’interrogent sur son avenir : ne sommes-nous pas finalement à l’apocalypse ? 

Au cœur de cette imprévisibilité, comme dit le Pape François, « nous rencontrons souvent des personnes découragées qui regardent l’avenir avec scepticisme et pessimisme, comme si rien ne pouvait leur apporter le bonheur » (Spes non confundit, n°1). C’est ici que retentit l’appel de ce Jubilé : celui de ranimer l’espérance.

Espérer, espérer dans le Seigneur 

Parlant de l’espérance chrétienne, il faut dire d’emblée qu’il ne s’agit simplement qu’un espoir de voir la situation s’améliorer ou d’un simple optimisme. Mais bien plus que cela, il s’agit de regarder la vie à la lumière du Christ ; de traverser les épreuves ayant à l’esprit les promesses de Dieu : les difficultés ne changent pas ces dernières. Une telle perspective change notre regard sur les drames de la vie. Au fond, c’est faire confiance à Dieu et à sa fidélité. L’espérance chrétienne n’est donc pas fondée sur les circonstances en elles-mêmes mais sur Dieu et ses promesses ; c’est la ferme assurance que l’on n’est pas seul dans la situation que l’on endure ; aussi dure et parfois longue qu’elle puisse être. Une telle espérance est, pour ce faire, porteuse de force puisqu’en fait, elle fait traverser les épreuves avec courage et confiance. Et par ricochet, naturellement elle engage ; elle n’est pas passive. De fait, espérer en Dieu, ce n’est pas attendre sans rien faire, mais continuer à avancer, à prier, à aimer, à persévérer. 

De ce qui précède, il ressort que l’espérance est un constitutif important pour la marche. Il n’est sûrement pas anodin que le feu Pape François puisse inviter tous les chrétiens à être des pèlerins de l’espérance. Être pèlerin, en effet, c’est savoir que l’on est appelé à bouger, que la vie elle-même est dynamique, et surtout que nous ne devons pas nous installer dans nos zones de confort. Espérer et faire espérer les autres : telle est donc notre mission. Cette dernière est porteuse du message que pour Dieu, rien n’est figé et qu’avec lui, le mal ne peut pas dire le dernier mot, il est provisoire et qu’en Jésus, il a déjà été vaincu. Une telle assurance rend fort puisqu’après tout, « ceux qui mettent leur espérance en Dieu, marchent sans se fatiguer » (Is 40, 31) ; ils ne mettent pas un point final à une situation. Le propre de l’espérance est d’ouvrir des voies de sortie des situations visiblement sans issue. 

Espérer pour pardonner et repartir 

Ici, s’ouvre une dynamique de résolution des conflits dans le contexte qui est le nôtre. Beaucoup de cœurs sont brisés ; le monde est déchiré par des guerres qui mettent en mal le vivre-ensemble. Et seul le pardon peut restaurer ce qui est brisé. Il faut noter que l’expérience du pardon est un signe puissant de l’espérance. Lorsque le pécheur se voit pardonné par Dieu, il découvre un Dieu qui ne condamne pas mais qui relève, qui ouvre un avenir, qui redonne vie. En effet, pardonner aux autres un acte profondément espérant. C’est la voie d’un avenir réconcilié. Le pardon ouvre les cœurs malgré les coups reçus et les torts subis. De fait, « pardonner ne change pas le passé et ne peut modifier ce qui s’est passé. Le pardon permet de changer l’avenir et de vivre différemment, sans rancune, sans ressentiment et sans vengeance. L’avenir éclairé par le pardon permet de lire le passé avec des yeux différents, plus sereins, même s’ils sont encore embués de larmes » (Spes non confundit, n°23). Avec le pardon, on repart à partir de nouvelles bases.      

En somme, on aurait compris que le chrétien est appelé à ne pas fuir la souffrance, mais à l’habiter avec foi, dans la certitude que Dieu accompagne chaque épreuve. Il n’est pas indifférent, mais solidaire, qui porte la souffrance humaine de l’intérieur ; surtout qu’il s’est uni pour toujours à l’humanité par son Incarnation. Ce qui fait tenir l’homme en effet, c’est cette assurance qui exclut toute fatalité ; il s’accroche ainsi à la vie et aux promesses de Dieu sachant qu’une telle espérance ne peut pas décevoir. Elle fait vivre puisque de fait, vivre, c’est espérer.   

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