30 septembre 2021
30 sept. 2021

Les guerres en Afrique : Le Cas du NOSO au Cameroun et la présence dehonienne

Les guerres en Afrique : Le Cas du NOSO au Cameroun et la présence dehonienne
Depuis septembre 2016, sévit une guerre civile dans les régions anglophones du Cameroun dites NOSO (Nord-Ouest et Sud-Ouest) qui a déjà fait plusieurs milliers de morts. Les prêtres du Sacré-Cœur ont trois communautés dans cette zone de crise.
par  Boris Igor Signe
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« Le continent de la guerre ». Tel est l’un des clichés fars employés sous d’autres cieux pour définir l’Afrique. Un tel cliché correspond-il à la réalité ? Pas forcément, mais fort est de constater que le continent africain  abrite trop de conflits armés, comparativement aux tendances mondiales actuelles. Dans son rapport de 2020 par exemple la SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute)  relevait qu’en 2019 les conflits armés actifs ont eu lieu dans 32 Etats, dont plus de 15 en Afrique.[1] Deux mois auparavant, le président de la commission de l’Union Africaine avait reconnu devant les chefs d’Etats réunis à Addis Abeba que l’Afrique est « un continent aux prises avec des phénomènes prégnants tels que le terrorisme, les conflits intercommunautaires, les crises pré et post électorales ou encore les différends entre Etats? »[2] Si l’Afrique en général tarde à intégrer et à s’imposer dans la cour des pays industrialisés, cela est entre autres dû à ces nombreuses guerres qui se répandent sur le continent et qui sont un frein incontestable au développement. L’un des exemples qui a retenu notre attention au cours de ces dernières années est le Cameroun, connu jusqu’à lors comme pays de paix.

La crise anglophone au Cameroun

Depuis septembre 2016 sévit dans les régions anglophones du pays dit NOSO (Nord-Ouest et Sud-Ouest)[3] une guerre civile qui a déjà fait plusieurs milliers de morts. Tout est parti des revendications pacifiques des avocats et des enseignants anglophones qui protestaient contre le placement des juges francophones dans les régions anglophones, ce qu’ils considéraient comme une banalisation du « commun low », pratiqué dans le régions anglophones.

A ces revendications sous forme de marche de protestation dans la ville de Bamenda, le gouvernement, à travers les forces de l’ordre, a répondu par une riposte violente : jet des gaz lacrymogènes et aspersion d’eau sur les manifestants, Fouet de certains manifestants grâce aux matraques, arrestations multiples, ouverture des coups de feu,… Déconcertés par ces scènes dignes d’un film d’action, c’était au tours des étudiants de Buea, capital du Sud-Ouest, de poursuivre ces protestations. La riposte des forces de l’ordre et de défense, dépêchés sur le terrain, laissa tous les observateurs abasourdis. Car les étudiants étaient pourchassés jusque dans leur différents domiciles, roués de coup de pieds et de matraques, roulés dans la boue comme des porcs. Bref, on assistait à une atteinte à la dignité d’un groupe de personnes qui réclamaient pacifiquement un changement en leur faveur. Plus le gouvernement employait la méthode répressive, plus les populations anglophones se révoltaient, développant un groupe armé dénommé « Amba boys ». Cette forme de règlement des conflits par l’Etat basée sur l’intimidation et la répression a fait qu’on est passé de simples revendications pacifiques dans le NOSO à une guerre fratricide entre les forces séparatistes (Amba boys) issus de ces revendications et l’armée Camerounaise. Ces dernières réclament la sécession du pays devant leur permettre de former un Etat indépendant, déjà baptisé « Ambazonia », réunissant les zones anglophones du Cameroun. Tous les efforts du gouvernement, bien que égoïstes et toujours tardives, pour une sortie de crise ont été vains jusqu’ici. La radicalité a gagné le camps des séparatistes : la séparation.

Une population désorientée

Emprise dans une guerre non souhaitée entre l’armée camerounaise d’une part et les forces séparatistes d’autres part, la population de ces régions anglophones est perdue et désorientée : Le sang coule quotidiennement, les maisons d’habitations sont incendiées, … comme le précise le père Michael Fuh scj, curé de la paroisse de Ndu, dont l’un des postes, Ngarbuh,[4] fait l’objet d’un des plus gros scandales de cette crise. Cette situation oblige la population innocente à s’enfuir. Les statistiques sont alarmants : plus de 4000 civiles tués, plus de 700000 déplacés internes et 63800 réfugiés au Nigéria voisin.[5]

La présence dehonienne

Les prêtres du Sacré-Cœur, encore appelés Dehoniens, ont trois communautés en cette zone de crise. Une maison de formation à Bamenda et une paroisse à Balikumbat, les deux dans l’archidiocèse de Bamenda et une autre paroisse à Ndu, dans le diocèse de Kumbo. Fidèles au charisme de leur fondateur, le père Jean Dehon, les Dehoniens travaillant sur place œuvrent beaucoup dans l’accompagnement des fidèles, dans l’éducation des enfants à travers les écoles paroissiales et dans la formation des jeunes dehoniens à travers la maison de formation de Bamenda. De cette présence active depuis plusieurs années, est née une proximité admirable avec les populations locales. C’est la raison pour laquelle, même si les activités pastorales ont pris un coup depuis le début de la crise anglophone, le lien avec ces populations innocentes mais souffrantes n’a souffert d’aucune blessure ; bien au contraire, ces dernières ont trouvé en la présence dehonienne une source de réconfort et d’espérance, comme le rappellent sans cesse les pères œuvrant sur place. Leurs différentes paroisses sont même devenues des lieux de refuge de ces populations déboussolées, à qui la guerre a tout pris, les laissant sans toit, sans nourriture, et parfois sans famille. Dans leur paroisse de Ndu par exemple, les prêtres du sacré cœur ont eu à accueillir à plusieurs reprises des villageois au presbytère paroissial, les logeant et les nourrissant pour quelques temps. En outre, les pères de ces communautés dehonienne en zone de crise ont pu trouver dans les zones francophones du pays, des familles d’accueil pour quelques jeunes de leurs paroisses, que la guerre avait obligé à abandonner leurs études. N’ayant pas de perspective pour l’avenir sur place, ils sont, par l’entremise des père, bien installés dans des charitables familles d’accueil en zone francophone, où ils poursuivent leurs études ou suivent des formations pouvant leur permettre de gagner dignement leurs vies. Dans leur mission de pasteurs auprès de cette population abattue, les Dehoniens se donnent corps et âmes, afin qu’advienne le règne de Dieu, un règne de paix, dans les âmes de ces populations terrorisées, et au cœur de cette société en guerre. Que leur travail, à côté des efforts de tous les autres artisans de la paix, porte des fruits de paix qui se rependront sur toute l’Afrique !


[1] SIPRI YEARBOOK 2020. Armaments, Disarmament and International Security. Résumé en français, Les rapports du Grip 4 / 2020, p. 2.

[2] S.E. M. Moussa Faki Mahamat, Allocution du président de la commission de l’Union Africaine. Trente troisième conférence ordinaire des chefs d’état et de gouvernement de l’union africaine, Addis-Abeba, le 09/02/2020, p. 11.

[3] Héritage de la colonisation, deux régions (Nord-ouest, Sud-ouest) sur dix au Cameroun, soit 20% de la population, sont d’expression anglaise, le reste des 80% parlant français.

[4] Ngarbuh est un petit village situé dans le département du Ntonga Manton.

[5] https://www.aljazeera.com/news/2021/4/1/violence-in-cameroon-anglophone-crisis-takes-high-civilian-toll

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